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Le Ladakh trop tôt

La contre-partie de cet été plutôt clément au Rajasthan, c’est un été qui tarde au Ladakh, qui est notre objectif premier. L’année dernière débout juin, tous les cols étaient ouverts et il faisait chaud. Cette année, c’est différent.

On se dirige donc quand même en direction des montagnes pour tâter le terrain. Notre premier choix, le cols de Sach, est sous la neige et pas prêt d’être déblayé, donc on prend la route habituelle par Manali. La bonne nouvelle, c’est que l’horrible route entre Mandi et la vallée de Naggar s’est bien améliorée avec l’ouverture de plusieurs tunnels. Mais en débouchant du dernier, à Bhuntar, on se heurte à un ciel noir et orageux de très mauvaise augure. On se précipite donc dans le premier hôtel venu (ou presque) alors que les premières gouttes tombent. C’est pas très normal, cette pluie au moi de mai..?

L’hôtel est tout neuf et plutôt correct, donc on passe une bonne nuit. Le lendemain, le temps n’est pas encore au beau fixe donc on décide de faire une petite étape de s’arrêter à Naggar plutôt que Manali, qui est devenu absolument invivable à cause des milliers de voitures de touriste qui convergent là tous les jours.

Naggar

Le lendemain le ciel nous offre une belle éclaircie, on pousse donc jusqu’à Keylong, à travers le tunnel Atal: on ne tente même pas le col de Rothang qui doit être enneigé de toute façon. Keylong est situé à 3100 m d’altitude, donc ça nous permet de nous acclimater tranquillement, après les 1800 m de Naggar.

Keylong, Lahaul

La météo n’est pas folichonne, mais on ne va tout de même pas moisir dans cette vallée où il n’y a rien à faire ? on se motive donc mutuellement, on enfile tout ce qu’on a de chaud et on part tôt pour Darcha, là où on doit s’enregistrer auprès de la police. En arrivant, on remarque une longue file de camions et de voitures arrêtées: la route est encore fermée. En se renseignant, on apprend que non seulement le col de Shinku La est fermé (trop de neige, on s’y attendait un peu), mais la route « classique » par Baralacha La et Tatsang La n’est ouverte qu’en sens unique, donc un jour sur deux. Heureusement, aujourd’hui c’est le jour où la route est ouverte dans notre sens. On patiente donc autour d’un tchaï, et 1h plus tard la barrière se lève et libère les fauves.

File de camions bloqués par le checkpoint de la police, juste après le pont

Le premier col, le fameux Baralacha La, passe mieux que prévu, donc on arrive tranquillement en fin de matinée à Sarchu. Devant nous, le ciel est noir et les cols bouchés. On temporise en mangeant un truc dans un des nombreux dhabas (débit de nourriture sur le bord de route), Cécile se tape même une petite sieste avec les Indiens. Mais le temps passe et on a encore devant nous 2 cols dont un à 5000 m et le temps ne se lève toujours pas. On préfère donc prendre un chambre sur place et espérer une meilleure météo le lendemain matin. Sarchu est situé à 4100 m, donc je passe une assez mauvaise nuit. C’est classique pour une première nuit en altitude.

Baralacha La
Récupération à plus de 4000 m

Le petit matin est glacial: 0 degrés, il faut essuyer la glace sur la selle de la moto. Le col en face de nous est un peu dégagé mais les nuages ne sont pas loin, donc il faut partir vite. Cécile se protège comme elle peut derrière, moi je dois s’arrêter tous les 1/4h pour semedégeler les doigts, mais le premier col (Nakee La, 4700 m) est franchit sans encombre. On redescend vers le truck stop intermédiaire pour un thé bien mérité. Les rumeurs sur le prochain col ne sont pas bonnes: il a neigé la nuit passée. On reprend la route, on n’a pas le choix, et il fait voir exactement quelle est la situation.

Un petit 0 degrés le matin

Arrivés près du col (Lachulung La, 5000 m), les camions sont arrêtés sur la route et bloquent la circulation. En effet, la route est recouverte d’une petite couche de neige glissante, donc pour un poids-lourd c’est trop dangereux. Mais le col n’est pas loin et il y a quelques traces praticables. Bon, Cécile préfère quand même marcher, même à 5000 m. Arrivés au col, on découvre la descente de l’autre coté également partiellement enneigée, et en très mauvais état: des nids-de-poule remplis de boue ou de neige fondue, voire de glace.. on n’est pas seuls, d’autres motards nous précèdent, et ça a l’air de passer, donc on y va.

Et ce qui devait arriver arriva, une minuscule erreur de placement de la roue arrière et la moto bascule, en 1ère, presque au pas. Impossible de la récupérer à deux avec les bagages donc on se vautre dans la boue. Cécile se relève sans mal, mais je reste allonger en gémissant, saisi par une intense douleur sur le coté qui me coupe à moitié la respiration (à 5000 m !). J’arrive à peine à me mettre à genoux, mais impossible de relever la moto. La suite du voyage paraît immédiatement très compromise.

(désolé, pas de photo de la chute !)

La montée vers Lachulung La

Heureusement, des motards indiens venant en sens inverse s’enquièrent de notre état et s’arrêtent pour nous aider, et relever et ranger la moto sur le coté pour libérer le traffic. On fait le point. Clairement, je suis incapable de reprendre le guidon, le moindre mouvement est extrêmement douloureux au nouveau des côtes. On est encore à 200 km de Leh, et à une vingtaine du prochain bled, Pang. La conclusion s’impose: il faut trouver un camion ou un pick-up qui puisse nous transporter ainsi que la moto jusqu’à Leh, ou à la limite de retour à Manali. Et que je puisse me faire examiner pour savoir ce que j’ai: une chute comme ça à faible vitesse, on en fait des dizaines et il n’y a en général aucune conséquence. Alors pourquoi là ? mystère.

Malheureusement les camions sont bloqués dans la montée donc il y a peu de traffic. Les motards indiens prennent les choses en main et arrêtent les véhicules qui passent pour leur demander s’il peuvent charger une moto (la plupart des chauffeurs ne parlent pas l’anglais). Coup de bol, un camion militaire débarque et les motards parlementent avec le chauffeur. Ils reviennent avec une solution: les militaires se dirigent vers Pang, il y a là-bas une base de l’armée avec un médecin, donc on pourra se faire examiner. Oui, mais la moto ? c’est là où les Indiens sont géniaux: l’aide-chauffeur descend du camion et c’est lui qui prendre le guidon et amènera la moto au prochain bled ! ils sont incroyables de gentillesse.

Dans le camion de l’armée indienne

On monte donc dans la camion et on repart doucement vers Pang, une vingtaine de km qui vont prendre bien une heure au camion, avec en prime un passage de gué imprévu pour notre pilote de moto qui finit à pied nus pour ne pas mouiller ses pompes. Pour moi c’est très pénible, chaque passage dans un nids-de-poule déclenche une douleur aigüe sur les flancs, mais qu’est-ce qu’on est soulagés de redescendre de ce col et d’être secourus comme ça ! arrivés à Pang, on fait la connaissance avec le médecin de la base militaire, un gars super sympa qui nous réserve un accueil chaleureux et se met en 4 pour nous aider. Le premier examen ne décèle pas de fracture ni de lésion au poumon, donc on est rassurés. Il me donne un bon calmant et passe quelques coups de fils pour nous trouer un moyen de transport vers Leh, pendant que je contacte Stanzin à Leh, qui pourrait aussi nous envoyer un véhicule.

Un éboulement bloque la route, il faut passer à travers la rivière. Il doit faire 8-10 degrés max, et l’eau à 0 bien sûr.

Finalement, la meilleure solution qu’on a trouvé est de laisser la moto chez les militaires et rejoindre Leh en voiture. Après tout, on n’en aura plus besoin pendant un certain temps, et à ce moment il suffira de prendre un bus pour venir rechercher la bécane. En plus, le toubib nous propose un nouvelle solution, un ami à lui peut nous amener à Leh dans sa voiture, et gratuitement en plus ! incroyable. Ça nous dérange pas de payer pour le trajet bien sûr, mais là on peur partir sur le champ et donc arriver à Leh avant la nuit.

Notre chauffeur, capable d’envoyer 2 textos sur 2 téléphones tout en roulant.

On tope et on part donc avec notre chauffeur et on arrive sans mal à Leh pour nous installer dans un petit hôtel propre près de chez Stanzin. Ouf ! Le lendemain, on se rend à l’hôpital public (gratuit) pour faire la queue avec les locaux et parvenir à voir un médecin. Une radio décèlera une fracture d’une côte, donc le tarif est de 6 semaines avant guérison. Ce n’est pas si grave, mais par contre cela augure d’au moins une semaine de nuits blanches à ne pas pouvoir dormir, car la douleur est très présente et impossible de me coucher, je somnole assis dans le lit !

Alors bien sûr, les vacances de Cécile sont un peu gâchées, mais la grande question est : est-ce que je sera remis pour emmener le tour guide mi-juillet ? restons optimistes !