Contact : info@overlandaventure.com

Photographier le ciel de nuit

Note: toutes les photos de l’article ont été prise par l’auteur avec un Canon 5d mark II ou mark IV. Détails dans la légende.

La voiture au premier plan en light painting et la Voie lactée parfaitement visible en arrière-plan. Notez le passage d’une étoile filante en haut à droite.
Les hautes montagnes du Kyrgyzstan à 3000 m d’altitude, loin des villes, permettent ce beau ciel étoilé et la pose relativement courte évite le filé des étoiles.
16-35mm f/4L à 17 mm, f/4, 15 secondes à 12800 ISO.

Un de grands bonheurs du voyage au long cours est de bivouaquer dans des endroits merveilleux, souvent en pleine nature et dans des décors exceptionnels. Les longues soirées d’été sont propices à observation du ciel étoilé, que l’on est tenté d’immortaliser en photo, avec des résultats souvent décevants.

Pour faire de belles photos de ciels étoilés ou de paysages nocturnes, il faut 3 éléments, que nous allons discuter plus bas:

  • des conditions favorables
  • un sujet
  • quelques techniques de base de photographie
Désert du Lut en Iran. Le fait de photographier par pleine lune donne une couleur très particulière aux roches et surtout au ciel, qui pourtant n’est pas très beau en journée à cause des grosses chaleurs. Ici, pas besoin de premier plan.
16-35mm f/4L à 17 mm, f/4, 15 secondes à 800 ISO.

Un beau ciel étoilé bien noir

Vous serez sûrement frappés par la beauté du ciel dans certains endroits du monde, et notamment par le nombre d’étoiles que l’on y voit. Cela tient à la pureté du ciel, qui dépend avant tout de 3 facteurs:

  • le temps (évidemment)
  • l’humidité de l’air
  • la pollution lumineuse
Bonne composition avec ce baobab du Botswana en ombre chinoise et la voiture derrière. Mais deux pollutions lumineuses viennent gâcher la photo: un avion qui passe en clignotant en haut à gauche et les lumières d’une habitation à l’horizon.
15mm f/2.8 fish-eye, f/2.8, 60 secondes à 1600 ISO.

Il est évident qu’il faut choisir une nuit de beau temps pour voir le ciel. mais plus que cela, il faut également que l’air soit très sec pour donner un noir profond. Les meilleurs endroits pour observer les étoiles sont le désert ou la haute montagne. Au contraire, les observations dans les pays tropicaux, au bord de la page, au fond des vallées est moins propices. Il est vrai également que l’hiver offre de meilleures conditions, car l’air froid est plus sec que l’air chaud – même si bien sûr, les températures glaciales nous forcent souvent à nous calfeutrer.

Si vous voulez une image d’un ciel étoilé, n’essayez pas de photographier un feu de camp au premier plan (ou autre phénomène lumineux, comme ici en Iran des flammèches qui brûlent spontanément lorsque du gaz naturel s’échappe du sol).
16-35mm f/4L à 16 mm, f/4,1/5 secondes à 12800 ISO.

Vous l’avez sûrement constaté, c’est en voyageant dans des lieux très sauvages que l’on se rend compte que nos contrées sont totalement polluées par des sources lumineuses nocturnes comme l’éclairage urbain, les routes, les véhicules, etc. Au contraire, les ciels y sont magnifiques dans les régions à faible densité de population comme le désert iranien, le Sahara, les montagnes d’Asie centrale ou la Mongolie.

Pour avoir des photos de ciels purs, il faut se méfier des avions qui passent dans le ciel – et des étoiles filantes !

N’oublions pas la pollution la plus gênante pour observer les étoiles: la lune! La lune est extrêmement lumineuse et nous cache toutes les étoiles sauf les plus brillantes. Et la Voie lactée, qui est plutôt sombre, est parfaitement invisible par nuit de pleine lune. Néanmoins, les paysages de pleine lune permettent de capter de belles photos avec des atmosphères très particulières.

Bivouac au Mali par pleine lune. Le rendu est similaire à une photo de plein jour et les étoiles sont à peine visibles.
24-105mm f/4L à 24 mm, f/4, 20 secondes à 800 ISO.

Choisissez un endroit isolé, en altitude et pendant la nouvelle lune, lorsque le temps est beau et plusieurs heures après le coucher du soleil pour réunir les meilleures conditions.

Le sujet

Un ciel nocturne est magnifique, certes, mais surtout lorsqu’on l’observe de visu. Les photos noires constellées de point blancs sont rarement intéressantes. C’est une règle universelle mais c’est encore plus vrai dans le cas qui nous intéresse, pour faire une bonne photo il faut un bon sujet. Éventuellement cela peut être la Voie lactée elle-même, mais idéalement, il faudrait inclure un élément plus terre-à-terre en premier plan.

Comme vous avez choisi une nuit très noire pour avoir le plus beau ciel, le sujet en premier plan sera complètement noir: il s’agira donc d’une ombre chinoise, ce qui peut être intéressant en soi.

Si vous avez choisi un ciel de pleine lune, et dans ce cas, avec une pause de quelques secondes, le paysage sera éclairé comme en plein jour. Mais la lune elle-même est éclairée par le soleil, elle a donc la même luminosité qu’un paysage de jour. Vos lunes seront donc immanquablement fortement sur-exposées. Avec un très bon appareil photo, il sera possible de réduire la luminosité de la lune en post-traitement (sur ordinateur, voir plus bas) pour retrouver la texture que l’on voit à l’œil nu. C’est aussi un des cas où il vaut mieux utiliser une focale moyenne à longue.

Une troisième possibilité existe: le « light painting », le procédé qui consiste à éclairer certains éléments du décors sélectivement avec une lampe torche. Pendant la pause longue, de plusieurs secondes, on éclaire brièvement un sujet précis avec une lampe de façon à ce qu’il apparaisse clairement au premier plan.

Église arménienne éclairée par une lampe torche.
15mm f/2.8 fish-eye, f/2.8, 30 secondes à 1600 ISO.

La technique est assez délicate, car il faut que le sujet soir juste assez éclairé pour se marier avec le ciel. Pour le réussir, il n’y a pas d’autre moyen que de répéter les essais et d’ajuster la durée d’éclairage et la position de la lampe en fonction des résultats que l’on découvre sur la photo.

En pointant la lampe vers l’objectif plutôt que vers le sujet, on obtient des effets lumineux intéressants. Le sujet qui se déplace avec la lampe est invisible sur la photo car il n’est pas éclairé et parce qu’il se déplace rapidement.
15mm f/2.8 fish-eye, f/2.8, 15 secondes à 6400 ISO.

Signalons au passage un sujet particulièrement propice à la photographie nocturne: les aurores boréales. Ce phénomène qui ne s’observe qu’aux latitudes les plus élevées dans les pays nordiques comme la Norvège, l’Islande ou le Canada, est relativement rare, en tous cas pour les épisodes très lumineux. C’est une des cas où le résultat en photo est plus spectaculaire que la réalité, car les lueurs très faibles sont amplifiées par la pose longue. C’est donc uniquement par nuit très claire et sans lune que l’on peut profiter des aurores.

Exemple assez peu inspiré d’une selfie sous une aurore boréale faiblement lumineuse. Notez l’importante pollution lumineuse du village tout proche. Au mois de mars en Islande il vaut mieux être bien équipé pour aller faire des photos nocturnes !
16-35mm f/4L à 35mm, f/4, 4 secondes à 6400 ISO.

La technique

Une fois que tous les éléments sont réunis, il faut encore suivre certaines règles et disposer d’un matériel minimum. Même avec les progrès récents, les téléphones ne sont pas un matériel très adapté à la photographier nocturne. Il faut mieux tabler sur un réflex numérique, avec une capteur plein format au APS-C. Deux principales à cela:

  • tout d’abord, un réflex à visée optique permet de voire le ciel et les alentours comme à l’œil nu. Un viseur numérique permet parfois d’augmenter la luminosité et d’y voir mieux qu’à l’œil nu, mais souvent au prix d’un bruit numérique très important;
  • la taille du capteur est également cruciale, car plus il est grand et meilleure sera la qualité des photos en pose longue. Il faut savoir que chaque photosite (ou « pixel ») du capteur emmagasine les photons qui lui parviennent. Plus le photosite est grand et plus il reçoit de photons, et plus il sera facile à l’électronique de l’appareil de les « compter »;
  • un reflex au format APSC-C aura forcément un viseur plus étriqué qu’un réflex plein format, et donc offrira une vision plus ombre de la scène;
  • enfin, un réflex permet de choisir un objectif adapté.
Toute règle est faite pour être violée et dans certains cas, les dernière lueurs après le coucher du soleil permettent de voir déjà quelques étoiles derrière ce baobab du Botswana.
TS-E 17mm f/4L, f/4, 30 secondes à 400 ISO.

Ceci dit, tout appareil est capable de prendre des photos de nuit pour autant qu’il puisse:

  • se régler manuellement: les automatismes d’exposition sont pris en défaut par des sujets presque entièrement noirs. Il faut donc pouvoir régler manuellement l’ouverture, la vitesse et la sensibilité
  • faire le point manuellement: l’autofocus est également inopérant en pleine nuit
  • pouvoir faire une pose longue, entre 10 et 30 secondes
  • être fixé à trépied. Il est bien sûr essentiel que l’appareil ne bouge pas lors de la pose.

L’objectif

Notre champ de vision est relativement restreint mais notre vision du ciel est panoramique, on ne peut pas le voir tout entier en même temps, mais on peut pivoter la tête afin de l’apprécier dans son ensemble. C’est bien sûr impossible sur une photo, par contre on peut choisir un objectif grand angle ou très grand angle qui permet de capturer une grande partie du ciel à la fois. C’est particulièrement important dans le cas de la Voie lactée qui est très étendue, surtout si l’on désire également capturer l’horizon et un élément de premier plan.

Une focale de 24 mm (15 mm en APS-C) est un maximum, 28 mm à la rigueur. Mieux, une très grand angle de 16-17 mm (équivalent à 10-11 mm en format APS-C) est idéal, car il englobera une grand partie du ciel. Il est également possible de choisir un objectif « fish-eye », qui déforme fortement les bords de la photo mais qui, du coup, capture presque l’entièreté du ciel, au prix d’une forte déformation qui n’est pas si gênante dans le cas d’un ciel étoilé.

Ciel du Kyrgyzstan pris au fish-eye. Comparez le rendu avec le même endroit pris avec un objectif grand-angle de 17mm (première photo de l’article).
15mm f/2.8 fish-eye, f/2.8, 15 secondes 12800 ISO.

Il est important également que votre objectif soit le plus lumineux possible. En effet, plus la quotité de lumière qui frappe le capteur est grande et plus la sensibilité (les « iso ») peut être réduite afin de limité la perte de qualité. Un objectif ouvrant à f2.8 est excellent, f1.4 étant idéal mais les objectifs de ce type sont très chers.

La pose

Une fois l’appareil bien fixé sur son trépied et la cadrage fait, il faut déterminer la duré de la pose, qui dépend de 3 facteurs:

  1. la luminosité du ciel bien entendu
  2. la luminosité de l’objectif, étant entendu que l’on ouvrira l’objectif à son maximum
  3. la sensibilité choisie

Ceci ne peut se déterminer que par essais successifs. Commencez donc par choisir la sensibilité maximale, afin de raccourcir la duré de vos essais successifs. Par exemple, pour une sensibilité de 12’800 ISO commencez par une pose de 2-3 secondes et voyez le résultat sur l’écran de contrôle. Si le résultat est trop sombre, augmentez le temps de pose, s’il est trop lumineux (si le ciel devient grisâtre), diminuez-le.

N’oubliez pas de passer votre objectif en réglage de la distance manuelle et placez le curseur sur l’infini: en général les objectifs sont correctement étalonnés et le résultat sera net.

Lorsque vous avez déterminé la bonne exposition, essayez de réduire la sensibilité en augmentant la durée de pose: le résultat en sera d’autant meilleur, en réduisant le bruit de fond sur les grands aplats noirs. Sachez que si vous réduisez les ISO de moitié, il vous faudra doubler le temps de pose. Sans toutefois dépasser une certaine limite qui fera apparaître des traits à la place de points lumineux pour chaque étoile.

Pose longue de 4 minutes qui fait apparaître le mouvement de le terre.
TS-E 17mm f/4L, f/4, 240 secondes à 1600 ISO.

Il faut se souvenir que la terre tourne sur elle-même et que donc les étoiles semblent se déplacer dans le ciel. C’est imperceptible à l’œil nu, mais cela devient très visible sur une photo en pose longue. A partir de combien de temps ? cela dépend de l’objectif utilisé. Plus la focale est longue et plus les étoiles se déplacent par rapport au cadre de la photo. Donc un très grand angle sera moins susceptible de faire apparaître des traînées lumineuse à la place d’un point. Comme ordre de grandeur, ne dépassez pas 30 secondes pour une focale de 15-16 mm, 15 secondes pour un 24 mm.

Au final, pour la Voie lactée, on compte en gros une pose de 15 secondes pour une ouverture f2.8 et une sensibilité de 6400 ISO.

Bien sûr, vous pouvez aussi décider au contraire d’augmenter au maximum le temps de pose pour obtenir un effet de traînées lumineuse concentriques. Pour cela il faudra compter sur un temps de pose de plusieurs dizaines de minutes, voir plusieurs heures pour un effet circulaire. Dans ce cas, il vous faudra viser l’étoile polaire, autour de laquelle « tournent » les autres étoiles, et baisser fortement votre sensibilité, voir fermer un peu votre objectif afin de ne garder un ciel bien noir.

Traitement de l’image

Si vous disposez d’un ordinateur et d’un logiciel de traitement d’image (idéalement un outil professionnel comme Lightroom ou Photoshop mais sans aller jusque là, les logiciels de base de Windows 10 ou MacOS feront l’affaire). Vous pourrez alors modifier l’exposition de la photo afin d’obtenir un ciel bien noir (ou non) ou, par exemple, passer en noir/blanc afin de faire disparaître la tendance colorée qui apparaît souvent sur les photos. Il sera également possible de réduire le bruit de fond de l’image. Vous pourrez également modifier le cadrage et éventuellement redresser un horizon pour le rendre bien horizontal.

Dans le cas de cette photo d’un lancement de fusée à Baïkonour, au Kazakhstan, le ciel peu après le coucher du soleil est trop lumineux et ne supporterait pas une pose d’une minute et demie pour capturer le trajet de la fusée. Il s’agit donc de quatre photos successives superposées ensuite sur ordinateur (d’où l’espace entre les traits lumineux qui correspond à l’intervalle entre les différentes photos).
24-105mm f/4L à 24 mm, f/8, 25 secondes (x4) à 400 ISO.