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Russie – Ukraine: quelles conséquences pour les voyageurs?

Comment aller en Mongolie? (carte tirée de notre livre : Mongolie, les plus beaux itinéraires) A1, A2, A3, A4, B1, B2, B3, D: fermés.
Reste B4 ou C, si jamais le Turkménistan rouvre, pour rejoindre l’Asie centrale. Mais impossible d’arriver en Mongolie.

La guerre en Ukraine a tué des milliers de personnes et bien d’autres ont perdu leur maison ou ont fuit vers un pays voisin. Face à la tragédie vécue par les Ukrainiens, nos petits soucis de voyageurs sont donc bien insignifiants.

Ceci dit, le conflit semble être là pour durer. La Russie va probablement être l’objet de sanctions pendant longtemps et cela a des conséquences directes pour tous ceux qui se réjouissaient de la fin de la pandémie et de la réouverture progressive des frontières pour repartir en direction de la Sibérie, la Mongolie et l’Asie centrale.

Clairement, lorsque le plus grand pays du monde est inaccessible, cela pose certains problèmes pour rejoindre des pays fortement enclavés. Je pense d’abord à la Mongolie, qui n’a de frontières qu’avec la Russie et la Chine. Vu que la Chine est toujours fermée et n’a de toute façon jamais été très accessible pour les overlanders, il est actuellement impossible de se rendre en Mongolie par la route, et cela risque de durer.

Certes, il est toujours possible de prendre un avion et de louer un véhicule sur place, mais même les liaisons aériennes souffrent de la fermeture de l’espace aérien russe aux compagnies européennes (et de l’espace européen aux compagnies russes). En effet, les vols directs qui pouvaient exister depuis Francfort (p.ex.) vers Oulan-Bator survolent la Russie, bien sûr. L’éviter coûte cher en carburant, et il semble que la compagnie nationale mongole ait annulé ses vols vers l’Europe.

Bien que les cartes les plus courantes – qui utilisent souvent une projection de Mercator – ne le montrent pas, il faut savoir que les vols entre l’Europe et l’Extrême-Orient (Chine, Japon, Corée) survolaient tous la Russie avant le début de la guerre. En effet, la courbure de la Terre fait que le vol le plus court entre, par exemple, Londres et Séoul (un Grand Cercle en terme géométrique) passe par le nord de la Sibérie.

Voyons le tracé « en ligne droite » de Londres à Séoul sur une projection Mercator:

Projection de Mercator ou « Google ».

Cette projection que l’on trouve partout, en commençant par Google Maps, déforme fortement les territoires situés aux latitudes extrêmes; elle suggère que le Groenland est aussi grand que l’Afrique, alors qu’en fait il est 14 fois plus petit. Et une ligne droite sur ces cartes correspondent en réalité en un arc de cercle sur la sphère terrestre, et vice-versa. Si on représentent sur ces cartes le véritable trajet le plus court, celui qui intéresse les compagnies aériennes, voilà ce que l’on obtient:

Grand Cercle (en rouge): le trajet le plus court entre Londres et Séoul

Le trajet noir fait environ 10200 km, mais celui en rouge fait 8900 km ! On le voit bien sur les représentations du globe à petite échelle de Google Earth:

Google Earth: le Grand Cercle apparaît effectivement comme le trajet le plus court.

Toutefois, cette vue ne montre qu’un hémisphère à la fois. Il existe des projections qui sont bien plus fidèles à la réalité pour les moyennes et hautes latitudes, comme par exemple la projection de Lambert, une projection conique qui est utile aux planificateurs des compagnies aériennes:

Projection conique conforme de Lambert, les distance sont mieux respectées – mais les régions plus au sud ne sont pas représentées.

Voyons maintenant l’exemple du vol Korean Airlines de Séoul à Londres. Les Coréens n’ont pas imposé de sanctions aux Russes, ils sont donc libres d’utiliser leur espace aérien comme avant:

En vert, le vol Korean Airlines de Séoul à Londres

On voit bien que le tracé du vol suit de près le chemin le plus court.

Les compagnie européennes, elles, ont désormais l’interdiction de survoler la Sibérie, donc il leur faut faire de gros détours si elles veulent garder leurs parts de marché. Une des compagnies la plus touchée est Finair, puisque leur aéroport est collé à la Russie. Voici leur vol actuel Helsinki – Bangkok:

Vol FIN143, FlightAware avec projection de Mercator.

Cela semble pas un trop gros détour sur cette vue, mais de nouveau la projection est trompeuse. Voyons le même vol, mais avec une projection de Lambert:

Vol Helsinki – Bangkok (en rouge): un gros détour pour contourner la Russie, l’Ukraine, et accessoirement l’Afghanistan (par rapport au trajet le plus court représenté en gris)

Les conséquence en terme de temps de vol (et donc de consommation de carburant) sont dramatiques. Voilà pour exemple le vol NH231 Tokyo – Bruxelles, avant et après:

Vol habituel
Grand détour depuis début mars 2022.
Avant (en rouge) et après (en noir) la guerre, projection de Lambert.

Alors forcément, les temps de vol s’en ressentent fortement (merci FlightAware):

Gros changement entre le 2 et le 5 mars.

On passe de 10’100 km à 12’000 km et on ajoute plus de 3h au parcours. Avec une consommation du 787 d’environ 5400 litres/heure, il faut que l’avion parte avec un supplément de presque 20’000 litres de kérosène ! Même si les compagnies négocient des prix de carburant bloqués sur le long terme, le surcoût pour la compagnie est énorme.

Dans certains cas, il est aussi envisageable de contourner la Russie.. par le nord ! ou autrement dit, de faire le tour du monde par l’autre coté. C’est ce qu’a choisi de faire Japan Airlines pour son vol Londres – Tokyo. Voilà le trajet actuel:

Le vol part à l’ouest en direction du Groenland, au-dessus du Canada et de l’Alaska puis le long de l’espace aérien russe jusqu’au Japon. Pour bien comprendre la logique des planificateurs, il faut examiner les vols avant et après sur la projection de Lambert:

Tour du monde par l’autre coté (en rouge: tracé avant la guerre, en noir : tracé actuel). Le cercle blanc correspond au pole nord.

Apparemment, les planificateurs japonais ont calculé que c’était plus court et/ou moins long en passant par l’Alaska. Du coté des temps de vol, c’est également très impactant:

Si vous avez le projet de partir en Mongolie cet été en avion, pour l’instant c’est toujours possible car MIAT (Mongolian Airlines) n’a pas suspendu son vol Francfort – Oulan-Bator. Concernant le Kirghizstan et le Tadjikistan les vols de la Turkish passant par Istanbul sont encore ouverts. Par contre, le voyage par la route risque de ne plus être possible pour un certain temps malheureusement. Et notre voiture est toujours à Bichkek… nous pouvons la rejoindre mais pas rentrer avec… Wait and see.