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Sur les traces de l’explorateur Charles Huber

Comme dans le Sahara, le désert d’Arabie Saoudite regorge de vestiges archéologiques. La plupart datent de périodes aux climats plus humides, durant lesquelles le désert était une savanne parcourue par de nombreux animaux sauvages et où l’élevage d’animaux domestiques était plus facile que maintenant. Après avoir fait beaucoup de repérage sur les images aériennes et de recherches dans les publications des collègues archéologues, j’étais impatiente de découvrir ces vestiges encore largement méconnus et témoignant d’un passé oublié. La région dans laquelle nous nous trouvons, à la limite sud du désert du Néfoud, est célèbre pour ses gravures rupestres. On en découvre presque systématiquement au pied de chaque rocher qui se distingue par une forme particulière et à proximité des points d’eau. Plusieurs générations de graffitis se superposent. Certains, érodés par le vent, ont l’air très anciens, d’autres sont l’oeuvre des touristes de passage. Les gravures les plus vieilles remonteraient au Néolithique. Les représentations de chameaux dateraient du moment où le chameau sauvage a été domestiqué, à une date encore débattue par les archéologues, entre 8000 et 4000 ans avant aujourd’hui.

Les paroies des arches de Mahajja sont couvertes d’inscriptions et de dessins. On distinguent des chameaux et des écritures thamudiques (une variante de l’arabe ancien remontant au 1e millénaire avant notre ère), malheureusement en partie détériorées par des tags plus récents. Quelques dizaines de kilomètres plus loin, un magnifique miroir de faille a servi de support idéal pour les artistes. La paroi est entièrement gravée de dessins de chameaux, d’autruches, de bovidés, de personnages, de palmiers, etc. Le lieu était vraisemblablement fréquenté par les caravanes bien qu’il n’y ait pas de puit dans cette région très aride. Les cuvettes creusées par le vent dans le grés recueillent l’eau des orages (on s’en rend bien compte car il a bien plu les jours précédents).

On repère l’inscription « Huber 1884 » gravée sur chacun de ces lieux. Mais qui est donc Huber? On est sur les traces de Charles Huber, un explorateur français qui a parcouru à plusieurs reprises le désert d’Arabie à la fin du 19e siècle dans le but de remplir les blancs sur les cartes, de faire progresser les connaissances géographiques et de découvrir les vestiges archéologiques d’un passé encore très mal connu. Charles Huber, missionné par le Ministère de l’Éducation Publique, la Société des Belles Lettres et la Société de Géographie de Paris, a fait de très nombreux relevés topographiques et climatiques, il a aussi décrit la végétation, la faune, la géologie etc. A cette époque les explorateurs étaient aussi des naturalistes. Il est passé ici le 11 février 1884, quelques mois avant de mourir assassiné par ses guides. Il s’était abrité du vent glacial sous les arches et avait relevé les inscriptions. Il s’intéressait en particulier aux écritures anciennes et avait découvert à Taima une stèle très précieuse gravée en araméen (aujourd’hui préservée au Louvre). Se sentant menacé, il a décidé d’envoyer ses carnets de terrain en France qui ont ainsi pu être préservés. On peut ainsi y lire, qu’il « trouve le campement dans l’intérieur du Mebaggeh (ancien nom des arches de Mahajja) particulièrement beau » et qu’après avoir recopié les gravures, il demande à son guide Mahmoud de graver son nom à 4 m de haut ainsi que l’inscription en arabe ci-dessous, témoignant ainsi de son passage:

Portrait de Charles Huber assis, en voyageur arabe. Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, source Wikipedia.

Aujourd’hui le pays est sécurisé, terminé les routes caravannières et les brigants, on ne terminera pas assassinés comme Huber!