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Retour au Haut-Karabakh

C’est maintenant effectifs, les derniers combatants du Haut-Karabakh ont déposé les armes, et donc cette région retourne sous le contrôle des Azerbaïdjanais. Ces Arméniens de langue et de confession avaient gagné leur indépendance de facto (mais pas leur reconnaissance internationale) à la suite de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, commencée à la chute de l’URSS lorsque ces 2 pays ont gagné leur indépendance, et achevée par la victoire de l’Arménie en 1994.

Par la suite s’est formé un petit état formellement indépendant, quoique jamais reconnu par la communauté internationale, pour laquelle les frontières de 1991 (qui place le Haut-Karabakgh en Azerbaïdjan) sont réputées immuables. Seule l’Arménie a reconnu cet état officiellement.

La situation est restée relativement stable pendant un vingtaine d’année, et il était possible de visiter le Haut-Karabakh depuis l’Arménie en passant par le « corridor de Lachin », une étroite bande de terrain contrôlée par les Arméniens qui constituait le seul lien avec le monde extérieur, puisque les frontières avec l’Azerbaïdjan étaient bien sûr fermées, et qu’il n’y a pas d’aéroport dans cette région. Il suffisait d’obtenir un « visa » à « l’ambassade » de l’Artsakh (le nom officiel du Hait-Karabakh indépendant) à Yerevan et passer une petite douane facile. C’est ce que nous avons fait en 2017, nous somme même ressortis par une piste passant par un col à 2700 m sans aucun poste-frontière. Donc la situation était très calme, et Stepanakert (la capitale) était une petite ville propre et sans histoire, même si des premières escarmouches avaient éclaté l’année précédente.

Mais les Azerbaïdjanais n’ont jamais renoncé à récupérer cette province qui leur avait été attribuée par Staline un siècle en arrière, et ils se sont tranquillement réarmé grâce à l’aide de leurs cousins Turcs (qui sont également en froid avec l’Arménie). Lorsqu’ils ont attaqué, en 2020, notamment à l’aide de leurs drones, les Arméniens n’ont pas pu résister et ont perdu la moitié du Haut-Karabakh, menaçant sa viabilité. Les Russes ont bien déployé des troupes pour s’interposer et garantir le passage sur le corridor de Lachin, mais dans les faits Poutine a d’autres chats à fouetter et les Russes n’ont pas pu (voulu?) empêcher les Azerbaïdjanais d’imposer un blocus en coupant le corridor de Lachin, ce qui a finalement poussé les derniers résistants à abdiquer. L’Arménie n’a pas voulu repartir à l’aide de ses frères, après avoir perdu des milliers de soldats dans cette guerre, donc la messe était dite.

Espérons que les Azerbaïdjanais sauront respecter la culture des Arméniens et leur permettre de vivre en paix sous leur autorité. Il faut dire que lorsque les Arméniens s’étaient emparé du pays, les Azerbaïdjanais qui vivaient là, en paix depuis des dizaines d’années, ont été forcé à l’exil et leurs villages démolis. On en a visité les ruines. Il sera intéressant de voir s’ils chercheront à se venger en expulsant les Arméniens, mais on peut le craindre vu que des réfugiés ont commencé à arriver en Arménie.

Et surtout, est-ce que le prochain objectif de l’Azerbaïdjan ne sera pas d’ouvrir un couloir terrestre avec l’exclave du Nakhitchevan ? cela serait un acte radicalement différent, puisqu’il ne serait pas couvert juridiquement par le rétablissement de frontières de l’ex-URSS: ce serait clairement une acte de guerre non provoqué contre un état indépendant. Mais on n’en est pas là.

Le seul point positif serait si la situation de pacifie et que les 2 états décident de normaliser leurs relations et rouvrir leur frontière. Mais vu la situation bloquée depuis des décennies avec la Turquie, on n’ose pas y penser. Par contre, il sera peut-être possible de visiter le Haut-Karabakh depuis l’Azerbaïdjan. Si ils se décident enfin à ouvrir leurs frontières terrestres, puisqu’à ce jour elles sont toujours fermées.

Retour en 2017

Après avoir acheté notre visa à Yerevan (sur une feuille volante, car si les Azerbaïdjanais apprennent que vous avez visité le Haut-Karabakh, ils peuvent vous refuser l’entrée dans leur pays), nous prenons la bonne route vers Lachin. La frontière se passe sans histoire, mais au lieu d’aller à Stepanakert (où on doit valider notre visa) nous bifurquons vers le sud pour visiter un monastère perdu dans la montagne. Comme en Arménie, le pays est couvert de monastères en plus ou moins bon état, et bien sûr ceux que nous préférons sont ceux qui sont en ruine, cela leur donne un charme unique.

L’endroit est désert, donc on bivouaque sur place et on fait quelques image avec le drone (à l’époque c’était encore un jeu, et pas une arme de guerre).

Le lendemain on se rend à la capitale, Stepanakert, pour manger et s’enregistrer.

On fait la photo obligatoire du célèbre monument « Nous sommes nos montagnes », puis on s’arrête à quelques km plus au nord pour visiter un grand village complètement en ruine, Aghdam. Sous l’URSS, les populations arméniennes (chrétiennes) et azerbaïdjanaises (musulmanes) vivaient en majorité dans des villages séparés, et celui-ci a été abandonné en 1994 lorsque les soldats arméniens sont arrivés. Sont-ils partis d’eux-même ou ont-ils été chassés ? peu importe, ce qui est terrible c’est que les Arméniens ont entièrement démolis les maisons afin qu’ils ne reviennent pas ! Des discussions sur les forums préviennent que l’accès est interdit et que des flics surveillent. Nous y avons vu absolument personne et il ne semble pas que cela soit un problème de visiter.

Nous reprenons la route vers le nord et passons par Agdere, une ancienne ville de type soviétique, avec ses immeubles abandonnés et même une grande roue de manège rouillée et prête à s’effondrer. Typique!

Notre objectif est un des monastères les plus importants du Haut-Karabakh, Khudavang. Il est en réfection mais en bon état général. On y rencontre d’autres touristes (arméniens bien sûr).

Puis on bifurque vers le sud car on avait repéré une autre spécialité de la région (à part les monastères): les source thermales. Il y en a un peu partout, même carrément au milieu de la route ! Les bassins sont à l’air libre et en accès libre, sans infrastructure autour, c’est ça qui nous plait !

Le lendemain, on remonte une autre vallée afin d’aller visiter le sanatorium en ruine de Istisu. A l’époque soviétique, on venait d’un peu partout en URSS pour faire une cure ici, le sanatorium était très prisé (par la nomenklatura on imagine). Laissé à l’abandon depuis l’explosion de l’URSS, il n’en reste pas grand chose, et toute la plomberie qui amenait l’eau chaude a disparu.

Par contre, il reste un très joli bassin en contre-bas de la route où nous nous baignons. Alors qu’on préparait le bivouac, arrive une famille pour picniquer. On sympathise et on essaie d’échanger quelques mots en russe. Bien sûr, on trinque à la vodka et ça facilite la communication !

Pour le dernier jour, on décide de tenter de passer par une piste que l’on avait repéré sur les images satellite, qui monte dans des alpages jusqu’à un col à 2700 m et redescend vers le lac de Sevan, en Arménie. Est-ce que ça passera ? est-ce que les douaniers nous laisseront passer ? finalement, la piste est bonne et pas un gabelou à l’horizon, par contre on passe encore devant un village entièrement détruit ! L’itinéraire est magnifique, mais bien sûr personne ne pourra plus l’emprunter pour très longtemps, puisque la frontière entre ces deux pays ennemis passe maintenant ici.