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Aktau, no way home – Désert du Manguistan (part 4)

Aktau est une ville très étonnante. Pour la comprendre, il faut remonter le temps : avant les années 1950, la ville n’existait pas. Elle a été créée au moment où les Russes ont découvert d’importants gisements d’uranium et de pétrole dans la région. Ils y ont donc emmené des prisonniers du goulag pour développer cette bourgade de pécheurs perdue au fin fond du désert.  Aujourd’hui la ville comporte 200 000 habitants, elle est très étendue, avec de larges avenues, des constructions en cours ou inachevées un peu partout, des terrains vagues côtoyant des immeubles de verre. Les rues n’ont pas de nom mais les maisons sont numérotées par quartier, appelés mikrorayons. La ville a porté plusieurs noms : elle fut successivement la ville secrète de Gouriev-20 interdite aux étrangers, puis Mélovoï, puis Chevtchenko du nom d’un poète ukrainien exilé ici ; le nom kazakh d’Aktaou, qui signifie « montagne blanche» sans doute en références aux falaises calcaires, n’est apparu qu’en 1992. C’est une ville riche : la plupart des locaux circulent en gros 4X4 flambants neufs. De gros tuyaux d’eau chaude et de gaz marquent le paysage urbain. Jusqu’en 1999, un réacteur nucléaire désalinisait l’eau de la mer Caspienne pour alimenter la ville et fournissait de l’électricité, tout en produisant du plutonium pour les militaires. Aujourd’hui le développement d’Aktau continue à se faire grâce aux exploitations de pétrole récemment découvertes dans la région. Le tourisme s’y développe, autant sur le bord de mer que dans le désert où nous croisons de nombreux 4X4 de tours organisés. Les plages sont en partie aménagées mais l’eau n’est pas très belle, beaucoup d’algues se développent. Le niveau de la Caspienne varie beaucoup et pose des problèmes d’aménagement et de gestion, y compris avec la centrale nucléaire. Aujourd’hui la Caspienne est à – 28m, mais il faut savoir que son niveau a fortement baissé en entre les années 1940 et 1978, pour remonter ensuite entre 1978 et 1995, puis baisser à nouveau depuis 1995, une baisse qui va certainement continuer le réchauffement climatique.

Les conduites d’eau chaude pour le sanitaire et le chauffage. L’eau douce provient de la désalinisation de l’eau de mer
Des boules du désert en décoration devant la bâtiment des douanes
Puits de pétrole dans la région d’Aktau, près de Janaozen.

A peine rentrés dans Aktau, nous nous faisons doubler par une voiture dans laquelle les passagers nous font de grands signes. Avec notre véhicule étrange, on est habitués à se faire klaxonner et à dire bonjour mais ceux-là insistent : ils ont remarqué notre plaque française. On entend un « Bonjour les Marseillais »… et c’est comme ça qu’on fait la connaissance de David, un voyageur français venu s’installer ici depuis six mois avec sa famille. Heureux hasard car on est à la recherche d’un endroit où laisser la voiture jusqu’à ce que les frontières réouvrent et qu’on puisse revenir et continuer à voyager. Les « plans » prévus pour stocker la voiture s’étant révélés foireux, nous la laisserons finalement dans la cour de la maison des logeurs de David. Mais ce ne sera pas si facile. En effet, visiblement les douanes ont serré la vis : à la frontière à Beyneou, on a pu obtenir qu’un permis d’importation de 3 mois seulement. On pensait pouvoir l’étendre facilement mais il n’en est rien. Après avoir été baladés entre 3 ou 4 bureaux, à coup de google translate et de palabres on nous accorde enfin une autorisation d’une année, à condition que nos logeurs viennent signer un papier sur l’honneur comme quoi ils n’utiliseront pas la voiture sous peine de prison. Ça ne plaisante pas !

On repart donc sereins dans le désert pour profiter au maximum de nos dernières journées avant notre retour en France. Les paysages sont magnifiques (voir post précédents). On repère des tours et détours à explorer la prochaine fois qu’on revient. On l’a déjà dit, le climat est désertique mais le temps se couvre au moment de rentrer. On écourte la dernière séance photo et on rejoint le goudron juste à temps avant l’orage. C’est le déluge, les oueds se chargent de torrents de boue, le désert est transformé en lac, les chameaux dégoulinent… On rentre tant bien que mal à Aktaou : on a pour règle de ne jamais conduire de nuit car nos phares sont minables et qu’il a très souvent des animaux ou des vélos sur les routes. Mais on a pris du retard à cause de l’orage et du coup on fait la route de nuit avec les warning car on n’a plus de feux arrière.

Ça commence à se couvrir…
C’est sur, c’est pas pour le beau

Le lendemain on range tout et on part tranquillement à l’aéroport où on doit embarquer pour Tbilissi avec SCAT Airlines, puis rejoindre Marseille via Istanbul. Sauf qu’à l’aéroport il n’y a pas notre avion… En fait il est parti avec 12h d’avance, et la compagnie ne nous a pas prévenus ! Et leurs bureaux sont fermés. On se demande si SCAT, une compagnie qui a été longtemps blacklistée en Europe et souvent classée dans le top 5 des compagnies les plus dangereuse du monde, n’a pas mis la clé sous la porte. Finalement, ce sont les hôtesses des autres compagnies qui nous aident, on finit par avoir SCAT au téléphone et on obtient le remboursement des billets.

On trouve un autre vol pour le lendemain matin, directement pour Istanbul par FlyAristan et on se réjouit d’avance de revisiter Sainte Sophie et le centre-ville. Mais non… les choses ne vont pas se passer comme ça ! en effet, quand le lendemain, sous une orage dantesque, on se pointe relax 2 heures avant l’embarquement, on sent comme un petit coup de stress chez les employés de FlyAristan. Apparemment, leur système leur dit qu’on a besoin d’un visa pour la Turquie, qu’on a pas évidemment puisqu’on est exemptés. On a beau leur expliquer, il passent 1 heure entière à tapoter sur leur écran et téléphoner pour finalement se rendre compte que non, on n’a pas besoin de visa. Difficile de de contourner le bug, on doit être les seuls étrangers à prendre ce vol depuis au moins 3 ans.

Hôtesses au bord de la crise de nerf

Il reste 5 minutes avant le départ de l’avion quand enfin ils nous donnent les cartes d’embarquement, après avoir ameuté tout le personnel de l’aéroport. Ils envoient nos bagages en catastrophe, on est soulagés (eux aussi, ils se croient débarrassés de nous), et nous on se croit déjà à Istanbul. Ils nous accompagnent pour entrer vite dans l’avion, on passe outre la sécurité, on arrive à l’immigration pour le contrôle des passeports et là… ben les douaniers sont rentrés à la maison car personne ne leur a demandé d’attendre les 2 touristes en perdition ! On est dans un petit aéroport de province avec une seule gate et 3 ou 4 vols internationaux chaque jour, donc on imagine que les gars font la sieste entre deux vols…On s’énerve un peu, beaucoup, mais rien n’y fait, personne ne réussit à les contacter. Penauds, ils ressortent nos bagages de la soute. Nous, on est dégoutés, c’est le second avion qui nous passe sous le nez !

On repère quel est le prochain vol international, il y en a un vers Londres un peu plus tard. Ça pourrait faire l’affaire et nous rapprocher de la maison. Mais entre-temps, les gars veulent nous mettre dans un avion qui va vers Astana, donc juste à l’opposé de là où on veut aller ! Impossible de leur faire cracher un siège sur le vol vers Londres, donc on se rabat sur un Aktau-Astana-Istanbul avec une nuit à Astana. Oui mais quand ils vont pour nous booker le vol, subitement c’est une équipe de foot qui a acheté tous les billets et le vol est plein. Bien sûr… on se fout pas un peu de notre gueule ? Reste la dernière solution: attendre jusqu’à minuit un vol vers Astana, puis en pleine nuit vers Turkistan (un bled au sud du pays) et enfin un vol vers Istanbul. Soit 36 heures de retard sur le plan prévu (et 48 heures si on compte le vol vers Tbilisi). On craint le pire pour la suite, la douane à Turkistan risque d’être tout aussi folklo. Bravo, merci FlyAristan (Air Astana). Pire compagnie d’Asie centrale, à égalité avec SCAT. Finalement nos craintes ne seront pas fondées et tout se passe comme sur des roulettes, ils sont moins manche à Turkistan qu’à Aktau. Après une nuit passée à voler dans le mauvais sens, on finit par arriver à Istanbul puis à Marseille.

Partis le vendredi après-midi du centre-ville d’Aktau, arrivés le lundi soir au bercail. Finalement on se dit qu’on n’a pas été très joueurs et qu’on aurait dû tenter la traversée en ferry sur la Caspienne, cela aurait pu être plus rapide ! Fin de l’épisode, on reviendra l’an prochain pour explorer à nouveau le Manguistaou et continuer nos aventures. A bientôt!

Pas bon pour notre bilan carbone ce trajet de retour…