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Urbex : un radiotélescope abandonné

On vous l’a déjà dit, les pays de l’ex-URSS sont marqués par la présence de très nombreuses ruines de l’époque soviétique. Ici, les paysages pourraient être comparés à des pages d’un livre d’histoire écrites sur du papier transparent, un palimpseste où se superposent des instantanés du passé. Les usines abandonnées, fermes décrépies, routes détruites, entrepôts désaffectés, constructions inachevées, etc. coexistent avec des hôtels et restaurants flambants neufs. Chez nous en Europe, c’est différent : la densité de population et la pression foncière sont trop importantes pour laisser les anciens bâtiments gâcher du terrain précieux. Ces ruines auraient disparu: détruites, rénovées ou transformées. Ici, pas besoin de s’embêter: le vieux et le neuf cohabitent aisément.

Ces pays sont donc un paradis pour les amateurs d’urbex (exploration urbaine), de visites de lieux abandonnés, souvent interdits et difficiles à trouver. Les motivations peuvent être diverses. Pour nous, c’est évidemment le gout de l’aventure et de la découverte, la possibilité de se plonger dans un passé encore intact et l’envie de capturer des photos insolites.

On avait eu la chance au cours de nos précédents voyages de pouvoir visiter clandestinement le fameux site de Bouzloudja, l’ancienne maison du Parti communiste, une fabuleuse construction en forme de soucoupe volante au somment d’une colline dans la campagne bulgare. Mais aussi des villes fantômes au fin fond du Kirghizstan, des gares désaffectées en Arménie, des sanatoriums ruinés au Nagorno-
Karabagh et en Grèce, ou des complexes hôteliers abandonnés en Croatie. Même au fin fond des montagnes du Pamir, à 4000 mètres d’altitude, on avait exploré un observatoire désaffecté. On retrouve finalement dans la découverte de ces vestiges de l’histoire récente l’intérêt que l’on porte aux vestiges archéologiques plus anciens.

La rivière Debed en Arménie s’écoule dans une vallée qui a été fortement industrialisée du temps de l’URSS. La plupart de ces usines ont fermé au moment de l’indépendance, faute de clients (et sûrement, d’argent). On n’a pas le temps de s’y arrêter mais il y aurait de quoi explorer!

Les usines presque désaffectées le long de la vallée de la Debed.

On a repéré près de Yerevan un site sur lequel avait été construit un centre de recherches astronomiques, avec un télescope célèbre: le ROT54 (Herouni Mirror Radio Telescope). Appelé du nom de son inventeur, le télescope a mis 10 ans à être construit entre 1975 et 1985, et n’a finalement été utilisé qu’une poignée d’années entre 1986 et 1990. C’était une prouesse technique à l’époque et avec ses 54 mètres de diamètre, un des plus grands radiotélescope du monde. Durant le peu de temps pendant lequel il a surveillé l’univers, il a enregistré l’explosion d’une étoile géante rouge. A la chute de l’URSS, faute de moyen, il a été abandonné. La nièce de son concepteur, nostalgique, essaye vainement de le faire réhabiliter. On peut voir son témoignage ici.

Les ondes reçues sont réfléchies par la surface du télescope et concentrées vers un récepteur situé au centre

Le site est en principe fermé au public, mais le gardien a flairé le filon : il nous laisse rentrer contre deux petits billets. Le radiotélescope, bien conservé, est impressionnant. A côté subsistent les vestiges d’un autre télescope à miroirs, d’antennes et d’autres équipements techniques. Les nombreux bâtiments qui avaient été construits sont encore en bon état extérieur. Ils ont servi de stockage pour les miroirs démontés puis ont été vidés (pillés ?).

Le site le mieux conservé est très certainement la salle de contrôle, avec encore les machines et les ordinateurs en place, dignes d’un épisode de Star Trek.

On découvre également une « salle sourde », tapissée de fanions de papiers et destinée à étudier les ondes sans écho. Effectivement l’acoustique est impressionnante même si le revêtement anéchoïque part en lambeaux.

The Dark Room, la « chambre sourde »

Les autres bâtiments ont été vidés, il ne reste pas grand chose des installations scientifiques. On rencontre un gars d’Erevan qui s’est installé dans l’hôtel abandonné et projette l’organisation de la seconde édition d’un festival de musique: à suivre ici.