Haut-Karabagh

  23 juillet 2017

A peine entrés en Arménie, nous faisons un crochet pour visiter un petit pays issu de la guerre civile entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : le Haut-Karabagh.

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Le Nagorno Karabagh (en russe, Nagorno : Haut et en turc, kara : noir et bagh : jardin) est appelé localement Artsakh. Un peu plus grand que la Corse en superficie, il ne compte que 150 000 habitants, en immense majorité arméniens.

Le Haut-Karabagh a fait sécession de l’Azerbaïdjan en 1991, au moment où cette dernière gagnait son indépendance, ce qui a provoqué une guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les Arméniens (soutenus par la Russie) ont gagné la guerre et permis au Haut-Karabagh de s’organiser en pays souverain, avec sa propre constitution, son parlement, ses impôts, etc.. alors que pour la communauté internationale, les frontières des républiques de l’ex-URSS font foi et donc ce territoire est considéré comme faisant partie de l’Azerbaïdjan. D’ailleurs, si vous regardez google maps (et Google est toujours très politiquement correct), la frontière est toujours celle de l’URSS, et Stepanakert, la capitale, est encore appelée Xankəndi en azéri.

Historiquement, c’est un pays de langue et de religion arménienne, quasi-indépendant jusqu’à la main-mise de la Russie tsariste sur le Caucase. Après la révolution russe, la région est disputée par les Arméniens et les Azéris, jusqu’à ce que l’URSS nouvellement formée l’intègre à la répubublique d’Azerbaïdjan, pour faire plaisir aux Turcs, alors que le pays était apparamment habité en majorité par des Arméniens. La situation reste tendue jusqu’à la chute de l’URSS, les Arméniens n’ayant jamais cessé de revendiquer ce territoire.

Lorsque la guerre éclate, les Arméniens et les Azéris y vivaient sans se mélanger, les villages étant soit entièrement arméniens, soit complètement azéris. Lorsque les Arméniens ont battus l’armée azérie, les civils azéris ont fuit en abandonnant leur village. Afin de rendre leur retour définitivement impossible, les Arméniens ont dynamité et entièrement détruits les village azéris. Encore maintenant, 23 ans après la fin de la guerre, on traverse des villages en ruine envahis par la végétation qui n’ont pas été reconstruits.

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La paix n’ayant pas été formellement signée entre les deux pays, il y a encore quelques escarmouches le long de la ligne de cessez-le-feu, mais dans le pays on n’a vu aucun signe de présence militaire particulière, tout sembe normal.

Même si le pays est souverain de fait, il dépend fortement de l’Arménie, en premier lieu, bien sûr, pour sa défense. Mais il utilise également la monnaie arménienne et les voitures sont immatriculées en Arménie, par exemple. Cela ressemble un peu à la situation du Liechtenstein par rapport à la Suisse : il n’y a pas de douane entre la république d’Arménie et le haut-Karabagh. Il y a juste un check-point de la police où on doit enregistrer son passeport (mais sans barrière, on fait confiance..). Il faut un visa, mais celui-ci peut s’obtenir en 10 minutes à la capitale, Stepanakert. Il est donc très facile de visiter le pays. Seul bémol : comme l’Azerbaïdjan le considère comme faisant partie de son territoire, et donc qu’en y allant on est entré illégalement en Azerbaïdjan, il faut cacher toute trace de visite si on désire visiter ensuite l’Azerbaïdjan. Ce qui n’est pas un problème, puisque le visa est imprimé sur un papier séparé.

Nous suivons donc les instructions et arrivons à Stepanakert par une petit col de montagne assez tortueux. Le paysage ressemble un peu au Haut Var, comme le fait remarquer Cécile. Stepanakert est une petite ville (50 000 habitants) très tranquille et d’apparence plutôt prospère, qui fait un peu penser à une capitale de canton de Suisse centrale. Après avoir obtenu nos visas contre 6€ par personne, et un permis de circulation qui détaille les régions où nous sommes autorisés à aller (nous ne serons jamais controllés), nous trouvons un petit café avec terrasse qui nous sert une salade et un kebab.

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Avant de quitter la ville nous passons au bazar (marché) acheter quelques fruits et un saucisson, en en revenant nous croisons un groupe de landcruisers identiques au nôtre (HZJ 78) garés devant.. l’antenne locale du CICR. Nous nous arrêtons donc et allons frapper à la porte car nous sommes à la recherche d’un bon garage pour une petite inspection. Un arménien très sympa nous reçoit et va chercher son mécano : il se trouve que le CICR fait l’entretien de leurs véhicules eux-même et obtiennent des pièces de rechange directement depuis le stock du CICR, donc on n’aura aucun tuyau de leur part.

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Nous repartons finalement pour le sud du pays par des petites routes en assez mauvais état. Nous nous arrêtons brièvement près d’un platane énorme au tronc creux, qui aurait soi-disant 2000 ans. Une dame a installé un petit stand et vend des cafés et des confitures. Cela ne mérite pas vraiment le détour, mais à part les monastères, les attractions sont rares au Haut-Karabagh ! Justement, nous dénichons au bout d’une mauvaise piste un très joli monastère à moitié reconstruit, perdu dans la forêt. L’endroit est magnifique (malgré les poubelles laissées par les précédents) et l’église charmante, nonobstant les échaffaudages et les tags qui recouvrent les murs intérieurs. Nous sommes complètement seuls et nous bivouaquons ici dans une paix royale.

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Le lendemain, nous rebroussons chemin après avoir visité le palais de mélik de Dizak Yegan, à Togh. Depuis l’invasion mongole et jusqu’à l’arrivée des russes au 19e, le Haut-Karabakh a été divisé en sept petites principautés avec à leur tête un mélik (prince) à qui les empereurs successifs (mongols, perses, etc.) donnaient une relative autonomie. Ce palais date du 18e et il ne reste que quelques pans de murs et un petit parloir à visiter. On doit compter ici les touristes sur les doigts de la main, et lorsqu’on nous voit arriver un dame accourt pour nous ouvrir le petit musée qui expose quelques tessons de poterie retrouvé lors des fouilles.

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Pour aller au nord du pays nous devons retraverser la capitale, où nous nous arrêtons pour nous empiffrer de jingalov hats, des espèces de pains plats fourrées aux herbes et cuits comme des crèpes.

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La route vers le nord n’est pas si longue mais assez pémible à cause des nombreux nids-de-poule qui la parsèment. Nous visitons rapidement le petit château de Stepanakert, bien conservé, mais dont le vin nous laissera un meilleur souvenir que ses ramparts restaurés.

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Nous traversons des villages soit entièrement détruits (d’anciens villages azéris), soit à moitié décrépits, comme il en existe tant dans l’ex-URSS. Notamment cette grande roue de manège au milieu d’une petite ville qui n’a pas dû tourner depuis l’indépendance.

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Tout est très pauvre. A notre grande surprise, à partir de Matakert nous tombons sur du goudron tout neuf, la ligne blanche pas encore tracée, qui mène jusqu’à l’Arménie derrière le col de Sotk. Notre but premier est le magnifique monastère de Dadivank.

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Malgré que le Haut-Karabagh soit connu surtout pour ses monastères, ce qui nous a le plus plu sont ses sources d’eau chaude. Nous en testons une première dans la vallée de Zuar, qui était déserte malgré la bonne infrastructure. Elles sont un peu trop brûlantes, mais ce qui nous a fait fuire est l’attaque soudaine et féroce de milliers de taons affamés.

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Dans la vallée suivante, nous rencontrons non pas une, mais deux sources thermales. La première est particulièrement pratique puisque le bassin a été construit… au milieu de la route !

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Un peu plus haut, on tombe sur un ancien sanatorium soviétique en ruine au lieu-dit Istisu, ce qui veut dire eau chaude en azéri. Le bâtiment est énorme et semble assez luxueux, probablement réservé à la nomenklatura qui venait ici en convalscence depuis toute l’union soviétique. Le lieu a été exploité à partir des années 1920 avec la construction des premiers bâtiments, puis du sanatorium en 1951. En tous cas, cela ne ressemble plus trop à ces photos ou ce reportage d’époque.

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Les locaux ont renoncé à reconstruire l’énorme bâtiment, bien sûr, mais par contre les sources chaudes sont toujours là, alors ils ont bricolé un bassin au bord de la route, et cette fois juste à la bonne température. On s’arrête, on se baigne, on lance le drone (et on le perd dans la vallée - et on le retrouve), on finit par s’installer pour la nuit. Alors qu’on s’apprêtait à manger notre frichti, on voit débarquer 3 familles locales sur-excitées (et passablement avinées pour ce qui est des mâles). On se joint bien sûr à la fête, on trinque à la vodka, on partage notre bouteille de rouge (local aussi) et tout-le-monde se baigne. Ils n’avaient peut-être pas prévu ça dans leurs vacances parce qu’on est les seuls en maillot, les autres sont en slip (les hommes et les enfants) ou tout habillés (les femmes). Et puis tout-à-coup il s’en vont, nous laissant avec notre piscine privée, que nous revisitons bien sûr le lendemain matin.

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Au lieu de redescendre la vallée latérale et de reprenre la belle route neuve, nous prenons la direction de Tsar, un village alpin perché sur un plateau au bout d’une route très raide et très rocailleuse. De nouveau, on remarque que la plupart des bâtiments sont explosés, seuls restent debout quelques fermes. On s’arrête pour demander si la piste du col est toujours praticable dans une ferme occupée par quatres gars (pas de femmes, pas de troupeaux..?). On boit le café et on croit comprendre que la piste est OK. Le début a l’air abandonné mais c’est juste le chemin des tracteurs qui vont aux champs. Plus loin, la piste devient tout-à-fait praticable pour un 4x4. On en croise d’ailleurs deux sur la montée du col. Celui-ci marque la frontière entre le Haut-Karabagh et l’Arménie, mais bien entendu pas de check-point de la police. On gardera donc notre laissez-passer que l’on était sensé rendre en sortant du pays.

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En bas du col, en Arménie, on rejoint une route qui a été goudronnée mais dont il ne reste que quelques plaques éparses. Les voitures ont créé une piste sur la bas-coté qui roule mieux. On arrive finalement auprès du lac Sevan, où l’on va se baigner et où l’on rejoint Olivier et JJ, rencontrés en Bulgarie deux mois plus tôt et qui sont un passés d’abord par la Géorgie et l’Azerbaïdjan. C’est l’occasion de piocher dans leur réserve de Fendant ! Nous décidons de bivouaquer ensemble dans un petit bois non loin du lac et de la route, à partager des histoires de voyage autour d’un feu de camp.

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La suite, c’est Yerevan, la capitale, pour un peu de tourisme urbain, et pour réparer une fuite sur le diff avant qui nous embête depuis quelques jours.