Sources chaudes

  2 août 2016

Les montagnes du Pamir sont riches de sources chaudes. Comme globalement les températures extérieures sont très basses, il est exclu d’utiliser la douche extérieure de la voiture sous peine d’attraper la mort. Et comme nous ne voulons pas croupir dans notre crasse, les bains chauds font partie de nos objectifs principaux. Avec des expériences qui vont du meilleur au pire. Notre première expérience a été une des plus décevantes. Nous avions repéré dans un guide l’existence de sources chaudes près de Murghab, une petite ville désolée au centre du Pamir. Les traces GPS que nous avons n’y conduisent pas tout à fait, nous hésitons entre deux routes. Finalement celle que nous choisissons est assez « aérienne » au-dessus du précipice et qui s’arrête soudainement au milieu du versant.

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De loin, nous voyons les sources en bas dans la vallée. Optimistes, nous prenons nos serviettes, savons, bières et cacahouètes et continuons à pied avec pour objectif de prendre l’apéro dans un bain d’eau bouillante. Arrivés dans la rivière, nous découvrons des bâtiments en ruine… Pour les atteindre, il faut traverser le torrent glacé. Seul Laurent, super motivé, y parvient, pour moi le courant est trop fort et l’eau trop froide. Mais de l’autre côté, tout est foutu, les installations ont été emportées par la rivière, il reste une vague flaque d’eau tiédasse… Penauds, nous remontons à la voiture, plions bagage et remettons notre apéro à des jours meilleurs.

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La deuxième source que nous testons est aussi vantée dans un guide de voyage. Soi-disant elle appartient au propriétaire d’une guesthouse à Shaïmak. Comme le temps est mauvais et que nous rêvons d’une bonne douche depuis quelques jours et que nous ne voulons pas rester sur l’échec précédent, nous décidons de passer une nuit dans ce « homestay ». Nous réjouissons par avance de barboter dans de l’eau chaude. Mais déception ! Il s’agit en fait d’un tuyau d’eau tiède percé de petits trous. Il faut remplir des bassines et d’asperger. La cabane est ouverte aux 4 vents, l’air est glacé et les moustiques pullulet. C’est en fait l’endroit où les locaux font leurs ablutions avant d’aller à la mosquée toute proche. Autant dire que les nôtres d’ablutions seront rapides ! On se consolera en mangeant un bon « lagman » (plat de pâtes aux légumes et à la viande) préparé par nos hôtes. Le propriétaire nous dira fièrement après le repas que c’était du mouton de Marco Polo, une espèce protégée qu’il piège dans la montagne… glups !

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Malgré ces deux expériences ratées, nous ne nous décourageons pas. Les autres sources seront de vrais plaisirs. Les plus intéressantes, à notre avis, sont dans la rivière Alichur qui alimente le lac Yashil Kul au centre des Pamir. La source est captée dans un bassin d’eau bouillante, entouré d’une petite cabane. On se baigne en aval, dans un bras de rivière. On est en pleine nature, entourés de montagnes, le décor est fantastique. Le seul hic c’est que l’eau sent l’œuf pourri et qu’on se baigne dans la boue et les algues, mais c’est doux et l’expérience est très sympa malgré l’odeur qui nous collera à la peau pendant plusieurs jours. Le lieu est très apprécié par les Tadjikes qui viennent planter la tente en famille. On est invités à partager le thé et leur repas (poisson frit et bonbons). Seuls les hommes et les gamins se baignent, les femmes restent au sec à papoter et à boire le thé.

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La région du lac Yashil Kul est réputée pour les remontées d’eau chaude, on passe à côté de jolis petits geysers. Pas très loin, au-dessus du lac, une autre source est aménagée (avec même une baignoire). Là le débit est beaucoup plus important, donc pas d’algue, mais l’eau est un peu moins chaude. Et elle ne sent pas l’œuf pourri. Comme les locaux, on barbote, on lave notre linge puis on laisse la place aux suivants pour qui c’est la grande lessive : linge, tapis, laine de feutre et même voiture.

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En cherchant les « banyas » (bains publics) des villages, on découvre d’autres sources aménagées. Il y a généralement un bassin pour les hommes, un autre pour les femmes. Chez les femmes, on se colle à tour de rôle sous le tuyau d’arrivée d’eau chaude, on s’asperge, et je me fais des nouvelles copines en échangeant savons et champoings. Je sors en général la première du bain, les locales y passent des heures à papoter et à se frotter tout le corps pour enlever les peaux mortes… je dois passer pour une crado à me laver si vite !

Le top de la source chaude tadjike est bien sûr celle de Bibi Fatima dans la vallée de la Panj à la frontière avec l’Afghanistan. C’est aussi la plus connue, et une des plus fréquentées. Alors que c’était il y a dix ans très rustique et sympathique, un bâtiment tout neuf a été construit il y a deux ans avec l’aide de la fondation Aga Khan - d’ailleurs, le personnel alpague les étrangers pour leur faire payer une entrée, alors que c’est en principe gratuit pour les locaux, qui viennent en masse.

C’est une grosse arrivée d’eau chaude dans une petite grotte au milieu de la montagne, au-dessus d’un torrent bouillonnant. La grotte, toute concrétionnée, est réservée aux femmes, les hommes eux ont droit à un bassin en béton moins joli mais très agréable et à la température parfaite. L’eau bouillante coule à flots. Elle est réputée pour ses vertus de fertilité. Les femmes se frottent donc le ventre sous les cascades. Une d’entre elles a un petit bébé (fille) qu’elle ébouillante en la trempant dans le bain brulant. La gamine hurle, mais la mère persiste ; c’est pour le bien de la gamine, elle aura certainement de nombreux enfants… si elle survit. Nous n’avons pas de photo récente de cet endroit fabuleux (respect de l’intimité des filles) mais Laurent était venu il y a 10 ans et avait pu squatter la grotte (alors que 10 gonzesses en furie attendaient impatiemment leur tour à l’extérieur).

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Le pire de la source Tadjike, à mon avis, est celle de Garm Chasma (toujours dans la même vallée) qui est pourtant présentée dans toutes les brochures sur le Tadjikistan comme un haut lieu touristique, un spot à ne pas manquer… pour les locaux sûrement, mais pas pour les touristes occidentaux. L’endroit est pourtant très beau : il s’agit de cascades et de vasques naturelles. Mais le débit n’est pas très fort, et l’eau de cette source est réputée pour soigner les maladies de peau. Côté femmes, il y a donc un beau bassin naturel en plein air, dans lequel trempe une cinquantaine de personnes venues se soigner, et donc pleines de psoriasis, de champignons et de pustules en tout genre… Pas question pour moi de me tremper dans ce bouillon de culture ! Du côté des hommes, il s’agit d’un bassin bétonné, l’endroit est donc moins sympa. Beaucoup moins fréquenté aussi. Laurent y trempouille un moment sans savoir si l’eau vient directement de la source ou si elle est recyclée depuis le coté des femmes… l’avenir nous le dira !

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