Ouzbékistan : Passage de frontière et cap sur Samarcande

  15 août 2016

Après avoir réparé pour la énième fois la voiture (voir les posts de Laurent), nous décidons de passer la frontière ouzbèke en fin de journée en espérant que les douaniers seront pressés de rentrer chez eux et ne nous casseront pas trop les pieds. La douane ouzbèke est en effet connue pour être très longue à passer. Les douaniers peuvent vider entièrement la voiture, fouiller dans les ordinateurs à la recherche de photos compromettantes, vider chaque boite de médicament, etc… Avant la frontière nous nous débarrassons donc des médocs interdits à base de morphine que nous avons emportés en cas de pépin loin de tout, vidons les appareils photos, cachons les dossiers de photos dans les ordinateurs pour ne pas avoir à tout montrer et planquons le drone sous le linge sale. Nous sommes heureusement les seuls à la frontière car bonjour la désorganisation ! On passe 3 fois aux mêmes guichets, ça dure 2 heures. Derrière le comptoir, les douaniers bouffent des graines de tournesol et jouent avec leur portable. Il y en a un qui me demande l’œil lubrique de lui montrer les photos de mon téléphone, en me demandant si j’ai de la pornographie. On demande à Laurent de sortir les valises de la voiture. Des valises, nous n’en avons pas car nos affaires sont directement dans les coffres de la voiture. Nous sortons 3 sacs à moitié vides, cela leur suffit. Ils ouvrent et tombent sur mes affaires de fille (serviettes hygiéniques et tampons), demandent à Laurent de leur expliquer ce que c’est ; ils trouvent ça dégueulasse, pourtant ils sont tout neufs ! Ils nous demandent d’ouvrir la tente, font monter leur caniche sur le toit et dans la voiture (avec ses pattes pourries), farfouillent dans la caisse sur le toit (à toutes les douanes ou presque cette caisse rouge a attiré les douaniers, aller savoir pourquoi), puis finalement ça s’arrête là. Pendant ce temps, j’aurais presque eu le temps d’aller faire les boutiques…

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Le lendemain, on est à Samarcande ! La ville est magnifique, les photos parlent d’elles-mêmes. Samarcande est la ville de Tamerlan, un sultan sanguinaire qui se disait descendant de Gengis Khan. Il rebâtit la ville au 14°s sur les ruines laissées par l’armée de Gengis. Tamerlan n’avait d’ailleurs rien à lui envier question cruauté. Il était célèbre pour construire des pyramides avec les têtes des ennemis décapités. Son tombeau est un des plus prestigieux, décoré d’or et dominé par une grande perche de bois au bout de laquelle une queue de cheval est accrochée, signe d’un lieu saint. Le tombeau a été ouvert par les scientifiques russes en 1941 dans le but de reconstituer l’allure de Tamerlan d’après son squelette. La légende disait que quiconque ouvrirait le tombeau serait puni. Le lendemain de l’ouverture, Hitler attaquait la Russie. normal

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Un des lieux phares de la ville est le Réghistan, la place centrale cernée par 3 médersas (écoles religieuses coraniques). La plus ancienne date du 15°s, a été bâtie par Ouloug Bek, un petit fils de Tamerlan. Ouloug Bek était mathématicien et astronome, trop curieux, trop scientifique et trop laïque pour les gouts de l’époque. Il fut assassiné sur les ordres de son fils conservateur. Les deux autres médersas qui entourent le Réghistan sont un peu plus récentes (17°s), construites sur le même modèle. Les murs sont élargis vers le sommet pour compenser la perspective. Les minarets penchent, est-ce seulement pour compenser les lignes de fuite ou parce qu’ils se sont un peu effondrés ? Ella Maillard qui visite Samarcande dans les années 1930 raconte qu’on tente de redresser le minaret en le tirant avec des câbles… Tous les édifices étaient abimés par l’usure du temps, les tremblements de terre et les tirs de canon des armées russes du 19°s. Les céramiques bleues étaient en partie décollées. La restauration a démarré au début du siècle et les travaux durent encore. Les mauvaises langues diront qu’elle n’a pas été faite exactement à l’identique, mais le résultat est quand même spectaculaire.

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Non loin du Réghistan, se trouve la mosquée de Bibi Khanoum, une des femmes préférées de Tamerlan. La légende raconte que l’architecte qui en a conçu les plans était amoureux fou de Bibi. Cette dernière aurait fini par craquer et lui aurait accordé un pudique baiser. Le baiser aurait laissé une tache sur se joue. Pour ne pas se faire démasquer, elle aurait ordonnée à toutes les femmes de la ville de se voiler. D’où l’origine du voile des femmes dans la religion musulmane. Elle aurait tenté de faire croire que c’était une nouvelle mode, lancée pour montrer la soumission des femmes à leurs maris. Mais son vieux renard de mari sanguinaire n’aurait pas été dupe, aurait découvert la vile tromperie, aurait fait emmurer sa femme vivante dans le mausolée situé en face de la mosquée, et aurait liquidé l’architecte bien évidemment.

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De l’extérieur, la mosquée est très bien restaurée mais l’envers du décor n’est pas brillant. On voit encore les dégâts des tremblements de terre. Les ouvriers qui s’occupent de la restauration ne sont pas très bien équipés, les échelles sont trop courtes !

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Un des lieux les plus impressionnants est l’allée des tombeaux situés un peu plus loin. Les façades richement décorées se font face. Ici reposent une autre femme de Tamerlan, sa nourrice, sa fille et d’autres saints et personnages importants.

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On passe deux jours à se balader et à faire les touristes : hôtel, resto, taxi, ça nous change. Il fait 40°C, grand changement après les bivouacs dans le vent glacé des montagnes du Pamir. Il fait tellement chaud que les plates-bandes de fleurs sont protégées par des toiles. Une grande partie des plantations sont faites avec des pieds de basilic. On en piquera un peu pour faire des pâtes au pistou, une occasion rêvée car on a trouvé des Barilla et du parmesan au supermarché, le luxe !

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Les médersas sont magnifiques mais la ville est aseptisée. Il ne reste plus rien de l’ambiance qui devait régner ici lorsque Samarcande était un oasis sur la Route de la Soie. Le bazar est tout propre, bien organisé, en grande partie pour les touristes d’ailleurs. Pas de petites échoppes, pas de ruelle tortueuse grouillante de monde. Au lieu de cela, on circule le long de grandes artères boisées. Autour des monuments, des espaces piétons ont été aménagés (au détriment des habitations des locaux). Les médersas, les mosquées et les tombeaux sont remplis de vendeurs de souvenirs. Curieusement il y a peu de tchaikhanas (salon de thé, petite gargote) ou de bistrots sympa, même pas devant le Reghistan, comme on en trouve dans n’importe quelle ville touristique en Europe. La ville est agréable mais n’est pas très chaleureuse et manque de vie. Même les chauffeurs de taxi sont honnêtes, inutile de discuter le prix, c’est un peu moins d’1€ pour un petit trajet, sans tentative d’arnaque. On sent que la ville a été aménagée à la soviétique, puis rattrapée par la modernité. Pour nous touristes c’est un certainement un peu décevant mais pour les habitants, c’est une ville plutôt riche et propre, certainement plus facile et plus agréable à vivre qu’au temps des caravanes de la Route de la Soie.

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